Association Gold of Bengal
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Contre vents & tempêtes

Salut,

Nous sommes au milieu de nulle part, à environ un tiers de la route pour l’Afrique du Sud.

C’est un monde hostile, fait d’eau salée, de nuages et de vent. Les vagues nous balancent dans tous les sens. Le bateau s’est transformé une machine à laver géante, qui doit tourner à l’envers puisqu’elle a tendance à tout salir. Par exemple, on est dans le cockpit, soudain le bateau tape, un bruit sourd, une déferlante arrive, quelle taille? à ce moment là on n’en sait rien.  Un quart de seconde et elle débarque, emporte au passage de la terre des plantes, éclate dans le cockpit. Quelque part le fracas d’autres objets qui tombent retient l’attention, mais il faut rester concentré : à la fois s’accrocher, se protéger de l’eau et scanner rapidement les objets alentours pour réussir à retenir le plus précieux d’entre eux du destin tragique qui l’attend.

Chaque déplacement devient un petit défi. Un peu comme les cosmonautes quand ils lâchent une prise pour rejoindre tranquillement en apesanteur une nouvelle prise. Mais ici c’est plus violent. Il faut bien anticiper la direction dans laquelle la prochaine vague devrait nous envoyer. Quand on se sent prêt et que la vague tape la coque on lâche sa prise, le corps est alors projeté en ligne droite comme un boulet de canon sur la trajectoire plus ou moins calculée. Sans chercher à lutter contre l’inertie de son corps il faut alors enjamber les obstacles répandus partout jusqu’à, dans le meilleur des cas, se réceptionner sur la nouvelle prise. Dans le pire, s’écraser contre un objet qu’on espère stable et non dangereux.

Enfin il y a l’humidité, qui arrive on ne sait pas bien comment. Les hublots qui fuient ? Les gouttes qu’on rapporte à chaque fois qu’on sort ? La condensation ? Sans doute une combinaison de tout ça. Résultat tout mouille, goutte, suinte, luit jusqu’au sac de couchage froid et poisseux qu’on enfile en espérant qu’il va vite retrouver notre température corporelle. On déploie alors enfin notre corps contracté toute la journée par les mouvements du bateau. Dans une ambiance de guerre de tranchée, il faut alors trouver quelle position adopter pour que les bombardements affectent le moins possible le sommeil.

Bref la région n’est pas accueillante, on comprend mieux pourquoi on n’y croise personne. Dans les jours qui viennent les conditions devraient s’améliorer, on va pouvoir se refaire une santé.

A bientôt,

Corentin et l’équipage du Nomade des Mers.